Depuis des années, le secteur de l’audiovisuel local est confronté à une restriction de ses ressources publicitaires. Quels impacts le décret n° 2020-983 du 5 août 2020, relatif à la publicité segmentée, peut-il avoir sur les chaînes locales et régionales ?
Les opérations promotionnelles de la grande distribution sont toujours interdites sur les chaînes locales et régionales. Et ce, bien qu’elles soient autorisées à la radio et dans la presse locale. Il en va de même pour la promotion du cinéma. La levée de ces restrictions publicitaires pourrait former une source de revenus directs pour les télévisions locales. À la condition cependant que cette manne financière ne soit pas captée par les chaînes nationales. Or, le gouvernement a validé la publicité segmentée.
Selon le décret entré en vigueur le 7 août 2020, une chaîne nationale peut désormais diffuser de la publicité différenciée. Autrement dit, dans le cadre du ciblage d’un foyer et/ou d’un profil de téléspectateur, deux personnes habitant un même quartier sont susceptibles ne pas voir la même publicité s’ils n’ont pas le même profil de consommateur.
Il s’agit là d’une évolution majeure dans la manière de pratiquer la publicité. L’enjeu est de proposer aux abonnés des publicités plus pertinentes et enrichies, en phase avec leurs attentes. Et ce, sans augmenter la pression publicitaire pour les téléspectateurs. Quel rôle les chaînes locales et régionales peuvent-elle tenir dans ce contexte inédit ? Dans quelle mesure peuvent-elles en tirer parti ?
Publicité segmentée : attention la roue tourne !
À présent, les téléspectateurs peuvent voir des spots publicitaires différents à la télévision, en fonction de :
- Leur zone géographique.
- Et/ou de la composition de leurs foyers.
Cette évolution vise à redynamiser le secteur de la publicité à la télévision. En effet, depuis quelques années, celle-ci est dépassée en termes de précision de ciblage par la publicité digitale. Une première phase pilote a été entamée début novembre 2020 par France Télévisions. Le Groupe diffuse sur ses chaînes des campagnes segmentées via les décodeurs Orange, premier opérateur à lancer le service.
La publicité segmentée se présente comme un accélérateur de business. Mais aussi comme un espoir de voir le marché s’agrandir grâce à une palette plus large d’annonceurs. Parmi ces derniers, des entreprises privées qui n’ont pas vocation à rayonner nationalement. Mais qui vont pouvoir faire leur apparition dans la “petite lucarne”. Ils seront en mesure de créer des spots publicitaires plus personnalisés et proches des intérêts de leurs cibles.
Des perspectives encourageantes
Ainsi, la publicité segmentée vise à attirer de nouvelles catégories d’annonceurs. Par exemple, les PME et les startups. Ces entreprises manquaient de budget pour s’offrir une publicité à la télévision et investir dans la production de spots professionnels. Un poste qui demeure onéreux encore aujourd’hui.
Selon une étude du cabinet Oliver Wyman, la publicité segmentée représente déjà 2 à 5% du chiffre d’affaires des régies télé dans les pays où elle est implantée. Comme c’est le cas au Royaume-Uni, en Belgique et aux États-Unis. En outre, cette innovation offre la possibilité aux annonceurs de repenser et d’adapter leurs stratégies à tous les écrans, du smartphone à la TV en passant par les réseaux sociaux.
Qui ne peuvent ignorer les réalités et les restrictions
L’arrivée de la publicité segmentée est une aubaine pour les chaînes TV. En effet, elles semblent y percevoir un relais nouveau de croissance. Ceci étant dit, cette éventualité ne peut se soustraire à la réalité des médias traditionnels. Ils sont de plus en plus délaissés par les Millennials et la génération Z.
En parallèle, on note que les annonceurs restent soumis à des restrictions. D’une part, il leur est interdit d’indiquer l’adresse de leurs points de vente. D’autre part, la publicité segmentée ne doit pas excéder deux minutes par heure en moyenne quotidienne. Six minutes par heure d’horloge.
Publicité segmentée : la géolocalisation comme principal critère de ciblage attendu
France 3 a pour particularité de proposer des décrochages régionaux avec ses antennes en région. Toutefois, grâce à la TV ciblée, il sera bientôt possible de descendre à un niveau de ciblage plus local. L’utilisation de la géolocalisation va ainsi offrir aux annonceurs la possibilité d’adapter leur communication en fonction des :
- Spécificités géographiques et météorologiques du lieu.
- Zones de chalandise de leurs magasin.
En outre, cela permet aux acteurs locaux de reconsidérer le média TV comme un levier de communication plus accessible. De fait, ils peuvent choisir une zone de diffusion adaptée à leur localisation à un tarif plus abordable. Ainsi, au Royaume-Uni, 60% des annonceurs utilisant la publicité segmentée sont des nouvelles marques.
Les inquiétudes des chaînes locales et régionales
Les télévisions locales craignent de voir les géants s’emparer du petit marché publicitaire local. Celui-ci représente tout de même 2,6 milliards d’euros. Pourtant, ces ressources publicitaires sont indispensables aux chaînes locales et régionales pour investir sur internet. Entre autres, pour conquérir les nouvelles générations sur les réseaux sociaux ou les plateformes vidéos. En parallèle, il s’agit pour elles de gagner plus d’autonomie à l’égard des collectivités et de leurs dotations.
Comme je l’évoquais dans mon précédent article, les télévisions locales vont devoir se professionnaliser à travers notamment la mutualisation de leurs contenus. Et ce, pour séduire des annonceurs. Mais aussi et surtout, pour répondre à leurs obligations de média de proximité en :
- Ciblant les contenus.
- Proposant des programmes plus axés sur les services, plus en phase avec le téléspectateur.
En d’autres termes, le but serait d’adopter une nouvelle approche en application de la loi dite de « proximité affective ». Celle-ci, au-delà de la notoriété de Jean-Pierre Pernaut, a fait le succès du 13h de TF1 depuis 30 ans. Pourquoi ? Parce qu’elle touche à la nature profonde des individus et à des thèmes qui leur sont chers. Par exemple, la santé, l’argent, le travail, la vie, la mort et la sexualité. En parallèle, elle donne la parole à tous les citoyens au lieu de se limiter aux “décideurs locaux”. Enfin, elle crée du lien social. Celui-là même qui permet de construire et de renforcer le vivre ensemble au sein d’un territoire. Un territoire devenu leur zone de diffusion.
Rogers Prod s’engage pour la mutualisation des contenus des télévisions locales, en Occitanie et partout en France. Objectif : concevoir et réaliser des programmes ciblés repositionnant chaque téléspectateur au cœur de leur stratégie éditoriale audiovisuelle.